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La planète micro, macro. Les intérêts ciblés, Caraïbes, Amériques, Europe, de temps à autres, le monde, dans la mesure ou l'intérêt des lecteurs s'y attardent. Écrivez-nous! Vos commentaires sur eChasimbi.blogspot.com

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lundi, avril 30, 2007

Littérature Québec/Haïti d'adoption (eChasimbi)







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L'enfant d'une race de deux peuples de deux ïles.

Retour en Haïti d'une adolescente et de son père adoptif.

Un livre de Richard Nicol aux Éditions du Cidihca.



Au début, ma femme et moi n'avons pas réfléchi à l'avenir ni à l'impact de notre projet sur l'enfant adopté ou mëme sur nous en tant que parents et individus. L'important était d'avoir un enfant à aimer, à rendre heureux et qui nous rrendrait heureux. Dix-huit ans ont passée. J'ai aujourd'hui une fille adoptive de quatorze ans.
Ce livre est un témoignage. Celui d'une adolescente qui porte un regard sur elle-même et sur son pays natalà travers les yeux de ses compattriotes. Sa colonne vertébrale cambrée est-elle due au ttransport des denrées et de l'eau sur la tête de toutes ses ancêtres? Pourquoi celle des hommes ne l'est-elle-pas?


Un livre à lire qui parle d'amour (eChasimbi)

dimanche, avril 29, 2007

Art Littérature (Roland Paret) (eChasimbi)






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L'HOMME ERRANT

Quand Henry était malheureux et qu'il voulait refouler les mauvaises pensées, il pensait à quelques événements de sa vie, et il devenait tout de suite moins triste : la mort de son grand-père, le jour où il avait enterré son nombril entre les racines du ficus, sa nuit avec Marie dans le puits de la vieille maison familiale au Cap, le galop sur Malika au cours duquel Marie l'avait emmené jusqu'à la rivière Bellor, c'était la première fois, qui devait rester la seule, où il était monté à cheval, lui, le descendant d'une race d'éleveurs de chevaux.
Il aimait beaucoup son grand-père.
Le vieillard agonisait. La famille défilait devant son lit. Le général, qui ne pardonnait pas à la mort de le confondre avec la masse des gens et de ne pas lui faire un traitement de faveur, à lui, un Gromir pourtant, boudait et montrait son dos à l'assistance. Il ne se retourna qu'au moment où sa bru, c'est-à-dire sa nièce, la femme de son fils André, le militaire, s'avança, tenant son bébé dans les bras.
-- C'est Riri, mon oncle.
Il se retourna. Henry était son petit-fils préféré, « le seul qui porte mon nom ! ». « L'ultime Gromir », ajoutait-il, sans se douter qu'il disait vrai. Henry avait trois ans. Le général le prit dans ses bras, et il mourut quelques instants plus tard. On ne s'en aperçut pas, et l'enfant passa la nuit dans les bras de son grand-père mort. Le lendemain, quand on voulut le délivrer, c'était trop tard, les bras du mort étaient raides, et ce fut la croix et la bannière pour libérer Henry qui pleurait et riait en même temps. La famille était réunie autour du cadavre et du Lieutenant luttant contre son père pour lui reprendre son fils.
Personne ne le dit : tout le monde pensait à la naissance d’Henry. Sa mère portait des jumeaux ; l'un des fœtus mourut. Simone passa le reste de sa grossesse à l'hôpital : on craignait non seulement pour sa vie, on craignait aussi pour celle du second bébé, le futur Henry. On la bourrait d'antibiotiques, on redoutait la septicémie. André Gromir voulait faire avorter sa femme.
-- Ce qui compte pour moi, c’est ma femme ! Je me fous d’un bébé que je ne connais pas !
Simone refusa d’avorter, elle voulait à tout prix un enfant. Cette espèce de rivalité qui existait depuis toujours entre Cécile et elle faillit lui être fatale ; elle l'empêchait de « rester sans rien faire pendant qu'elle fabrique un enfant à son mari ; une fois de plus on dira qu'elle fait tout mieux que moi ! ».
-- Pas question !
Simone avait pensé écraser sa sœur quand elle avait appris qu'elle attendait des jumeaux, et voilà que les médecins, qui n’avaient pas été fichus de sauver l’un des bébés, s’avouaient incapables de lui conserver le second. Et l’on voudrait qu'elle se fasse avorter ? !
-- Jamais de la vie !
Henry avait passé huit jours dans le ventre de sa mère en compagnie d'une sœur défunte. À la naissance, on dut faire une opération pour séparer la main du vivant de celle de la morte : elles étaient soudées. Pendant ce temps, dans une autre salle de l'Hôpital Justinien, Cécile accouchait de Marie le plus facilement du monde, sans douleurs, sans cris ; elle n'avait pas eu le temps de dire : « ouf ! », que la petite fille se présentait. Cécile prenait un bouillon et se préparait à quitter sa chambre pour une promenade aux bras de son mari, Edmond-la-panique, et d'une infirmière pendant que Simone, exsangue, épuisée, proche de l'évanouissement, s'interrogeait sur la réussite de l'opération qu'on faisait sur son fils afin de le délivrer de sa compagne décédée.
Naître, c’est respirer par soi-même, et il semblerait qu’Henry protestât contre cette naissance, ou soit incapable de l’assumer, car il eut sa première crise d’asthme presque aussitôt après la délivrance de sa mère. L’expression « le monde extérieur » devait être comprise, en ce qui le concernait, dans son sens le plus strict, le plus immédiat, de « monde extérieur à celui du ventre de sa mère ». C’est ce que devait expliquer à un docteur Gromir sceptique un de ses confrères « psy », le docteur Bonnebranche.
-- Par définition, l’asthme est un signe de protestation contre la vie, c’est le refus de naître, c’est-à-dire de quitter l’utérus maternel où la mère se charge de tout pour vous, et surtout de respirer pour vous.
« Foutue délégation viennoise ! », grommelait Edmond-la-Panique. Son neveu devait plus tard être de son avis. Henry se mettait en colère chaque fois que l’on faisait allusion devant lui à l’aspect « psychologique » de son asthme. Il devenait enragé quand l’un de ses interlocuteurs disait que « l’asthme est une maladie psychosomatique, et que vous devriez prendre sur vous, mon cher Henry ».
-- Pour ces gens, tout est psychosomatique !
« Il y a autant d’asthmes que d’asthmatiques ! », devait plus tard répéter Henry à la suite de son oncle. Pour le moment, il était dans les bras de son grand-père mort, et son père luttait pour l’en délivrer, comme les chirurgiens avaient dû lutter, à sa naissance, pour le libérer des mains de sa sœur morte.
« Comme à l’époque de l’opération pour séparer sa main de celle de sa sœur défunte, le voilà de nouveau dans les bras d'un mort. Espérons que... » Il semblerait que le général refusât de libérer son petit-fils. Un profond silence régnait, rompu seulement par les pleurs et les rires de Henry.
Tout le monde se trompa à propos de ces rires et de ces pleurs. On croyait Henry effrayé : pas du tout, il était ravi et, même, il n'avait jamais été aussi heureux. Dans les bras du mort, il avait joui d'un grand calme, d'une tranquillité dont il ne soupçonnait pas l'existence et, surtout, il avait dormi d'un sommeil léger, une nuit sans crise d'asthme, ce qui ne lui était encore jamais arrivé. C'était l'une des rares fois où il avait dormi car, malgré son âge, il avait derrière lui un long passé d'insomniaque. Il n'appuya pas les efforts de son père pour le libérer, il voulait au contraire rester dans les bras de son grand-père.
Toute sa vie, il essaya de retrouver cette sérénité. Les seules fois où il y était parvenu, c'était dans d'autres bras, ceux de Marie, quand ils faisaient l'amour, surtout la première fois, sur le dos de Malika : ça avait été... extraordinaire. Les étreintes de ces nuits allaient le hanter toute sa vie ; elles lui avaient donné un sentiment de plénitude ; elles avaient été une excursion dans l'éternité. Et puis, il y avait dans le corps de Marie quelque chose, une odeur, un parfum, qui agissait sur ses bronches comme un remède efficace contre l'asthme.
Il n'avait jamais pu se l'expliquer : l'odeur dégagée par la peau de Marie était le meilleur médicament qu'il eût jamais essayé contre ses étouffements et contre cet atroce sentiment d'angoisse qui accompagne les crises d'asthme. Faire l'amour avec Marie mettait fin à ses crises, aussi fortes fussent-elles. Il promenait ses narines et ses lèvres sur le corps de l'adolescente ; il restait un long moment à genoux, les jambes de Marie reposant sur ses épaules, à respirer l'odeur qui se dégageait du triangle moussu et touffu, et à recueillir la ciprine qui se déposait sur sa langue comme les gouttes d'un philtre. Après l'amour, cette dernière nuit-là, ils avaient dormi et, au réveil, ils avaient recommencé. Leur tante, qui était venue les réveiller, avait dû attendre qu'ils aient eu fini et qu'elle cessât d'entendre les vibratos expressifs qui sortaient de la bouche de son neveu et de celle de sa nièce. Gênée, madame Perselman avait, en fin de compte, chargé Dida, leur gouvernante, de les avertir que l'heure du départ approchait et qu'il fallait se dépêcher.
Henry se souvenait de la fois où il avait failli mourir. Ce soir-là, il avait eu une crise majeure, une de celles qui amènent l'asthmatique au seuil de la mort. Le docteur Gromir avait l'air désemparé, sans ressources, il avait tout essayé, et Henry voyait l'instant où son cœur allait céder. À ce moment, Marie était entrée, avait mis tout le monde à la porte, y compris son père, s'était déshabillée, s'était placée à la hauteur des narines et de la bouche de son cousin, et Henry, roulant sa tête sur le pré enchanté et respirant l’odeur qu’il dégageait, s'était senti revivre, et la crise avait cessé. Son oncle et ses confrères spécialistes des voies respiratoires étaient restés devant lui comme devant un miraculé : ils étaient décontenancés, et la résurrection de leur patient, qui devait mourir d'après les lois de la dynamique du cœur et des voies respiratoires, les portait à revoir leurs manuels. Henry entendit un des médecins qui murmurait : « Dans ce pays, la raison... » Ils crurent que Dida, la bonne de Marie et d’Henry, avait utilisé des remèdes vaudou pour guérir le moribond. Dida préféra se taire. Les deux années que Marie et lui passèrent à Port-au-Prince chez leur tante, madame Perselman, furent relativement heureuses. Ensuite, il partit.

Extrait de l'Assemblée des grands vents

Art Peinture Peintres (eChasimbi)







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samedi, avril 28, 2007

Science Médecine






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Un pionnier en cardiologie prénatale
Le Dr Jean-Claude Fouron reçoit trois distinctions, dont le Ian Donald Gold Medal Award
Le Dr Jean-Claude Fouron
Avant 1970, les interventions prénatales était limitées. Le Dr Jean-Claude Fouron en sait quelque chose, l’arrivée des ultrasons ayant transformé sa pratique. Engagé par le CHU Sainte-Justine il y a trois décennies, le cardiologue-pédiatre a connu les avancées technologiques des appareils à ultrasons et a fait un travail de pionnier en les appliquant à la recherche comme méthode d’investigation. «À cette époque, il n’y avait rien d’écrit là-dessus, mentionne le lauréat du Ian Donald Gold Medal Award 2006. Aujourd’hui, grâce aux interventions prénatales, on peut souvent empêcher ce qui était auparavant inéluctable.»
En 30 ans, la pédiatrie a accompli des pas de géant. Les progrès réalisés dans le domaine de l’echographie permettent maintenant de diagnostiquer chez le fœtus, dès la 16e semaine de grossesse, l’arythmie, les malformations cardiaques et l’insuffisance circulatoire, trois conditions sur lesquelles portent les recherches du Dr Fouron. «En connaissant la condition exacte du fœtus, on peut suivre l’évolution de la grossesse de plus près et planifier au besoin une prise en charge immédiate du bébé après la naissance afin d’éviter un décès par manque d’oxygène.»
Le principe de fonctionnement de l’échocardiographe est fascinant. Par une sonde posée sur le ventre de la mère, l’appareil envoie un son qui traverse les tissus et revient après avoir buté contre un objet: le bébé. Un ordinateur reconstitue le cœur du fœtus à l’écran à partir du temps que le son a mis pour aller et revenir. Sans caméra ou rayon, l’image reconstituée par logiciel informatique est miraculeusement nette. Le cardiologue-pédiatre est alors en mesure de vérifier si l’échange se fait bien entre la maman et le bébé, si les cavités du cœur sont normalement développées, si elles se contractent correctement, si les veines pulmonaires, les oreillettes, les ventricules et les gros vaisseaux (aorte et artère pulmonaire) sont bien reliés entre eux. Il évalue aussi le débit sanguin à travers les quatre valves du cœur.
Témoin et acteur de l’essor de cette science, le Dr Fouron enseigne au Département de pédiatrie en plus de diriger l’Unité de cardiologie fœtale, qu’il a fondée en 1990 au centre hospitalier universitaire mère-enfant. Trois techniciennes et une assistante y sont rattachées de façon permanente: plus de 300 cas d’arythmie cardiaque et environ 220 cas de retard de croissance intra-utérine y sont suivis annuellement.
Reconnu comme chercheur spécialisé dans le fonctionnement et les troubles du système cardiocirculatoire fœtal et néonatal, le Dr Fouron travaille depuis toujours à appliquer les percées de la cardiologie aux soins destinés aux tout-petits. Trois grands axes de recherche l’occupent: la prévention des dommages cérébraux fœtaux au cours de l’insuffisance circulatoire placentaire, du traitement de l’hypertension de grossesse sur l’hémodynamique fœtale de même que la physiopathologie et le traitement de l’arythmie fœtale.
Des prix qui font plaisir
Du nom du médecin qui effectua, en 1958, la première échographie de l’utérus, le Ian Donald Gold Medal Award, la plus haute distinction de l’International Society of Ultrasound in Obstetrics and Gynecology, honore chaque année un chercheur en médecine fœtale qui a «contribué de façon exceptionnelle à l’évolution de l’ultrasonographie prénatale». Jean-Claude Fouron reçoit cet honneur avec plaisir. «Cela me touche parce que c’est mon travail en recherche à la fois expérimentale et clinique que l’on reconnait. Vous savez, je n’aurais pas pu me contenter de faire des études en laboratoire, j’avais trop besoin du contact avec les gens.»
Récemment, son dévouement et ses travaux lui ont valu deux autres distinctions: le Distinguished Teacher Award, de la Société canadienne de cardiologie, est venu souligner son excellence en enseignement alors que le Département de pédiatrie du CHU Sainte-Justine lui a décerné une médaille pour l’ensemble de sa carrière.
On doit à ce pionnier, notamment, une avancée dans la physiologie du système cardiocirculatoire. C’est lui qui a introduit «le concept de l’isthme aortique seule communication entre les deux réseaux artériels fœtaux disposés en parallèle. Ce concept se retrouve maintenant dans tous les livres de médecine», peut-on lire sur le site Internet du centre hospitalier. Plus encore, les travaux de Jean-Claude Fouron ont permis de traiter dans l’utérus certains problèmes cardiaques du fœtus, évitant ainsi de graves complications. Les fœtus atteints d’arythmie cardiaque sont en effet maintenant aisément dépistés et traités, avant que cette affection entraine une défaillance cardiaque.
Les recherches du Dr Fouron ouvrent également des pistes prometteuses dans la prévention des dommages cérébraux par manque d’oxygène chez les fœtus de petit poids souffrant d’insuffisance circulatoire placentaire. La mise au point d’un marqueur d’hypoxie cérébrale fœtale basé sur les changements circulatoires autour de l’isthme aortique représente en effet le principal axe des recherches tant expérimentales que cliniques de l’équipe du Dr Fouron.
L’espoir est dans la recherche
Né à Cayes, en Haïti, Jean-Claude Fouron a su très jeune qu’il deviendrait pédiatre. «Tout comme mon frère Paul, aussi médecin, j’aidais mon père pendant les vacances d’été à la clinique qu’il avait mise sur pied pour la population défavorisée. C’est là que j’ai eu la piqure», confie-t-il.
Après des études à la faculté de médecine de l’Université d’Haïti, il vient au Québec en 1960 pour faire une résidence à l’hôpital Sainte-Justine. «Je pensais n’y rester qu’un an, mais ma mère a voulu que je prolonge mon séjour encore un peu, en attendant que la dictature du gouvernement Duvalier tombe. J’ai attendu.»
Il entreprend donc un postdoctorat en cardiologie pédiatrique avant de se rendre à New York, en 1965, pour étudier sous la direction du Dr A. M. Rudolph au Albert Einstein Medicine College. «C’est en travaillant avec lui que je me suis orienté vers la période pré- et périnatale en cardiologie.» Deux ans plus tard, le Dr Fouron et sa conjointe, Pierrette Bienvenue – « une très jolie infirmière que j’ai rencontrée à Sainte-Justine» –, sont de retour au Québec. Il entame sa pratique clinique à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, où il exercera pendant trois ans avant de se joindre à l’équipe de l’hôpital Sainte-Justine en 1970.
«Je ne regrette pas de m’être installé au Québec, dit le Dr Fouron. Cependant, la frustration de n’avoir jamais eu l’occasion de pratiquer en Haïti ne cesse de me hanter. Ma consolation: que mes recherches touchent d’une certaine façon tous les enfants défavorisés du monde.»
Dominique Nancy

Le goût du corossol (extrait)







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Roman de Jancy Bolté






Le goût du Corossol


Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Comment des êtres si semblables puissent s’avérer si différents du jour au lendemain. Un couple ayant vécu une passion de haute intensité se retrouve des étrangers, l’un pour l’autre. On ne mélange pas la papaye verte et le corossol devenu mure.

Le pinceau a la main, il ne semblait pas se décider ni sur le choix des couleurs ni sur la géométrie du tableau. Figé comme devant une page blanche. Il régnait un silence de mort dans l’appartement. Une éternité s’était écoulée. Il essuyait les pinceaux avec un bout de tissu imbibé de solvant, les mis à sécher, recula pour regarder la toile, elle était inerte.

Il ne voulait pas se l’avouer. Il désirait la quitter. Il devait lui parler à la franche marguerite, sincèrement, en quatre yeux, sans rire. En même temps il avait peur. Pour elle et pour lui-même. Après tant d’années, une dépendance affective incontestable s’était installée comme un colimaçon doucement enroulé sous sa coquille. Dire sans médire, sans faire mal. Sans cris, sans pleurs, sans grincement de dents, le parfait divorce. La voluptueuse rupture. L’amiable. Rester amis sans y croire vraiment. Faire semblant ! Ne rien faire du tout. Laisser faire, attendre, lui laisser le dernier mot, la décision de la rupture finale. Pouvoir partir sans culpabilité aucune. Ce n’était qu’une question de temps !







Il ferait un dernier portrait d’elle, à l’huile, habillée de bleu céruléen, sa robe préférée en organdi. Au nom d’un amour qui n’était plus ce qu’il avait été. Avec un bibi fleuri comme celui qu’elle portait l’été qu’ils avaient passé dans l’île, insouciants, s’aimant passionnément, à la folie, éperdument. Les yeux dans les yeux tout le temps.

Ressentir tout cela dans son être sans que le cœur aucunement ne s’alarme.

Animus, anima. Ma mie, mon esprit, mon âme, amen, je t’aime, je t’aimerai toujours.

Fasciné par ses seins lourds comme des corossols, ses hanches de femmes comme peintes par Artémise, son sexe nu et gonflé sous sa robe bleue. Son nombril, sa peau cuivrée, ses sourcils épais, agressifs à souhait. Assoiffés de sexe, ils le faisaient partout. Derrière les rochers à l’abri des regards indiscrets, dans l’eau qui les caressait, rythmant leurs secousses. Dans la chambre de la petite auberge, aux murs tapissés de lilas, ils essayaient tout ce qui leur traversait l’esprit, dans un lit grinçant au moindre mouvement. Ils restaient inertes, essayant de ne pas faire de bruit comme deux adolescents qui entendent la porte du garage s’ouvrir à la commande du sésame électronique et laisser le passage à la voiture des parents qui entrent dans le garage comme un chien qui entre dans sa niche.

Les flâneries au bord de l’eau ou elle ramassait des coquillages et lui qui lançait des galets qui surfaient au-dessus du reflux des vagues à marée basse. Il comptait, un, deux, trois, quatre et criait cinq, six…oh !ah ! Il levait les bras en l’air et finissait par un ouais retentissant comme s’il venait de gagner la coupe du monde. Elle riait à gorge déployée de le voir s’amuser comme un gamin, tel que son père lui avait appris étant enfant. Ah ! Qu’ils étaient loin ces galets, cela et ceux de son enfance avec son père !





Il l’aimait au passé, et cela, c’était l’imparfait au présent. Il l’aimait sans l’aimer et il savait qu’il la quitterait sans la quitter. Il perdrait une partie de lui-même. Mais ce temps d’aimer était révolu.

Elle le savait et c’est pour cela qu’elle était sous thymoanaleptique qui lui donnait des moments d’absence tel qu’on avait l’impression pendant quelques secondes qu’elle n’était plus là.

Et lui flirtant de plus en plus avec l’alcool, tellement qu’il finissait par s’y croire marier tout de bon.

Elle, Sarah savait ce que sa réserve, son attitude, ses silences cachaient. Tous ces mystères, tous ces secrets, ces non-dits, ces sous-entendus, ces dislocations abruptes de phrases, ces regards furtifs, dissimulés, tout ce qu’ils ne disaient pas ou plus. C’était ça qui l’enquiquinait. Pas la jalousie. Mais tous ces tabous impalpables. Elle le savait ! Il le savait !


Ce que lui ne savait pas c’était qu’elle se faisait une carapace et s’apprêtait à le laisser. Pas pour un autre homme, ni pour une femme mais pour être seule avec elle-même ! Lui qui tâtait de tous les chiffons, il n’en reviendrait pas qu’on le quitte pour être avec soi !

Pourtant elle l’aimait encore. Pourquoi ces sentiments et sensations ambiguës, ambivalentes, désespérantes, exténuantes. Le dicton souffle à l’oreille des femmes, qu’une femme n’est pas une femme si elle n’a pas donné la vie, naissance à un être. Ce que le dicton ne disait pas c’était ceci « Qu’est-ce qu’une femme qui a avorté à cinq mois et demi ? ».







De bière en vin dans les cafés, j’apprivoise des sommes de rien que je justifie, croyant bien faire, en additionnant les rencontres, les vagues palabres, âmes des relations humaines, voulant faire le bilan de quelque chose qui pourrait bien être la vie d’une ombre qui cherche la lumière. La grisaille s’installe, le ciel dessus dessous tel un saule pleureur larmoie encore un peu, et moi tout autant. L’été passe mouillé et frais, trop frais.

Une lumière somme toute diaphane, distillée tel un rhum ambré et tamisé comme sous des tissus, ou une fumerie d’opium dans l’Indochine française, que certains appelaient le temps béni des colonies.

Sarah a dit ce qu’elle avait à dire, son angoisse, son insécurité, son blues et moi je multiplie les amantes au fond de leurs lits comme au creux de mon épaule pour m’apercevoir enfin, qu’il n’y a que cela pour répondre de mes actes de vie.

Je pourrais être assis en lotus dans un ashram en train de méditer et me sentir très bien ou être étendu sur une plage à Bali entrain de me faire dorer le lard, me faire bronzer gentiment sans faire de vagues, dormir à la belle étoile et regarder Jupiter et Saturne se faire de l’œil pendant que la lune est en scorpion, mais malheureusement ce n’est pas le cas, je suis ici, fauché, vrai religion de l’indigence, la misère noire.

Il ne fait pas beau, l’été n’a pas vraiment eu lieu, sûrement du à l’influence du volcan des Philippines, ou quelque autre phénomène cyclothymique du climat ou le réchauffement de la planète. La fonte des grands glaciers, le pôle nord coulant vers le sud.

Je n’ai pas de travail sauf un petit contrat somme toute, alimentaire. J’attends de recevoir l’Assurance sociale, l’aide de dernier recours car je ne suis pas éligible au chômage, le nombre de semaines d’éligibilité vient d’augmenter. Je suis toujours en retard d’un métro ou deux.



Ah ! L’imaginaire se perd ! Et il ne suffit pas de penser être à Jacmel pour y être, à part Renée Depestre qui vit en France et écrit en zombie à Jacmel, ou Anne Hébert en France écrivant en manitou sur le Québec. Être ici pour être ailleurs. Pourquoi pas ? Est-ce défendu ? Eloge de la fuite, de l’évasion !

Oui, il y a un fruit défendu, mais quel est-il ? Il y en a plusieurs qui ne le sont pas. Mais le fruit défendu, c’est la pensée, fruit de l’esprit. C’est pour cela qu’il y a le diable.

Dans ses chimères la blonde était devenue une chinoise. Elle s’appelait Yuan comme la monnaie. Je pense à vous lorsque je me masturbe. Que je pense à votre sexe gonflé sous votre jeans et que vous me parler de votre mari en Chine. M’aimez-vous ? Suis-je un passeport pour la luxure ?

-Gabriel, réveille toi.
-Je ne veux pas répondre. Mais je finirai bien par le faire.
-Sarah, je ne dors pas... je réfléchis.
-À tes péchés je suppose, ou était tu hier soir jusqu’aux petites heures du matin. Je ne peux plus…Elle s’arrêta net, sachant quelle regretterait ces quelques paroles misérables mais vraies et qu’elle finirait par se sentir coupable, pour rien, pour des prunes, des peccadilles. Car diable, elle n’avait rien de rien à se reprocher. Merde et Merde. Elle ne dit rien et s’en alla vers la cour arrière, remarqua un chat tigré gris, trottinant en équilibriste sur la clôture de bois. Le chat s’arrêta, tourna la tête et la regarda longuement dans les yeux avant de poursuivre délicatement sa route. C’était un signe, elle aussi était en équilibre ou plutôt en équilibre sur une détresse. Elle resta songeuse, un nuage cacha un moment le soleil. Elle ne se décidait pas à rentrer.






Pour tout travail créatif, des rencontres fortuites, des corps et des âmes douces, tendres, rugueuses, qui mortifie ou qui laisse vide. La vie multiple sous ses parures illusoires me propose des dégradés de gris, des solutions sans fin, voguant perpétuellement vers d’autres dénouements, toujours, car il n’y a pas de problèmes n’est-ce pas ! Que des solutions ! Enfin c’est ce qu’il faut se dire. Sagesse de la pensée positive.

En moins de soixante mots, Gabriel venait de faire son autocritique, son aveu. Il pouvait se lever et allé se doucher. Se couper les ongles de pieds, se tailler sa petite moustache de dragueur,

Encore couché mon salaud. C’est tout ce que tu sais faire, te vautrer dans un lit, dans un être, dans ta vie de fantasmes. Recommence à dessiner, à peindre. Prends ma caméra, fais des photos.

Elle n’attend pas de réponse, elle ne fait que passer, porter du linge de la chambre à la machine à laver. Une ombre. Je l’entends et je ne la vois pas ou plutôt je la vois mais je ne l’entends pas.

-Gabriel, peux-tu m’apporter le savon….le savon liquide. Rends toi utile, c’est encore moi qui lave tes chaussettes et tes caleçons qui sentent encore les femmes en rut. Je ne suis pas ta mère encore moins ta femme de ménage. Enfin, je ne suis pas ta servante, ni ta domestique.

Elle n’avait pas besoin d’en ajouter autant !

Elle me tire de mes souvenirs d’enfance, à un goût de corossol, comme les madeleines de Proust, ou le goût de la papaye verte. Le goût du corossol qui me faisait songer à ma grand-mère. Je me lève, je me dirige vers l’armoire à savon, mais ma rêverie continue. Je me revois avec mes cinq petits cousins et cousines dans un grand jacuzzi pour faire bain baim avec ma grand-mère nue qui nous frottait des pieds à la tête.

Tout d’un coup de but en blanc le plus jeune de mes cousins les yeux écarquillés et fixés sur les seins volumineux de grand-mère lui demande qu’est-ce que c’est çà en pointant du doigt et elle de répondre : Ça se sont mes deux corossols pour faire boubouille pour Papa Lou. A l’époque, je n’avais rien compris. Un vrai charabia ! Aujourd’hui c’était non seulement clair, mais un nectar de ravissement. Mamie avait de ces expressions tirées en droite ligne de ses ancêtres créoles. Des gènes jouissifs.

Je n’avais même pas cinq ans. En y pensant, j’avais le sourire aux lèvres lorsque Sarah brama son ordre de nouveau. Le ton venait de faire la chanson, je failli figer sur place. En lieu et place je me précipité vers le vieux bahut fait par un artisan de l’époque que l’on avait acheté ensemble, sablé tous les deux et que j’avais vernis dans un vert teinté de gris pour faire antique. On pouvait dire que c’était réussi car un antiquaire de nos connaissances l’avait évalué à plus de quinze cent dollars. Il avait même offert de nous l’acheter. On avait refusé. On se croyait en possession d’un trésor inestimable d’ébénisterie valant une vraie fortune. Ce que l’on avait été heureux le jour de cet achat. On avait mis de la musique, dansée autour du meuble. Allumé des bougies. Heureux en pensée dans le passé. Imparfait au présent. Cela devenait une vraie rengaine. Une marotte obsessionnelle.

Il y a des prénoms et des noms communs que je peux plus supporter d’entendre, Gabriel, Sarah, le savon liquide, en poudre, en pastille, le savon tout court. Décidément, pour avoir des réflexions pareilles, je ne suis pas dans mon assiette.


Le savon en main, je décide de le lui apporter et puis volte face, je change d’idée. Femme esclave, docile, soumise. C’est elle qui fait tout, à ce qu’elle dit. Enfin de compte, c’est elle qui gagne le pain quotidien ! Le pain, le vin, le bifteck, les pantalons en suède, le manteau d’hiver avec capuchon en fourrure et tutti quanti. Elle me laissera, je la laisserai, on se laissera, tout passe, tout lasse et tout casse.







Fichtre, certains étaient passés par là avant nous. Tous ces adages, tous ces dictons, toutes ces anecdotes, toutes ces théories, des marottes monomaniaques, pour deux personnes qui n’arrivaient plus à communiquer, à s’aimer.



Les féministes militantes se mettent au rancart. Du moins c’est ce que pensent les hommes. Ils n’ont pas fait de progrès au masculin. Au contraire ils se sont relâchés, comme dirait Sarah. Ils ont arrêté de faire leur part, enfin pour ceux qui avaient commencé. Ils ont cessé de penser aux femmes, pour et avec les femmes à moins d’être terriblement amoureux comme au début d’une relation. Ce sont des pensées que les mâles gardaient pour soi. Sinon ils se feraient mettre au pilori, la bouche à peine ouverte. Car ils y avaient des femmes qui souriaient tout le temps étaient d’une gentillesse et délicatesse hors de l’ordinaire, mais elles avaient des dents de requins, n’en pensaient pas moins et quand elles faisaient pleuvoir des coups, on ne savait pas d’où cela venait. Alors ! Les gars se la bouclaient. Un point c’est tout. Sauf entre eux ! Bien sur !


Non sans blagues, les féministes n’inquiètent plus les hommes, qu’ils soient machos, homme bleu ou rose. Comme le homard dont la pince coupée repousse, l’homme castré a fait repousser son phallus et retrouvé sa faconde de Neandertal. En gros il ne fait plus sa part, sauf les poubelles, le gazon lorsqu’il y en a et bien sur la voiture.

La lecture du soir aux enfants redevient le lot de la mère féministe, qui n’a pas le choix devant les tonnes de bière ingurgité chaque soir par le mari pas tout à fait homo sapiens.










Le 21ème siècle ne présage rien de bon. L’Amérique omniprésente partout, chien de garde du monde, les guerres. Le terrorisme international. L’inflation comme une phtisie galopante. Le prix de l’essence. Les catastrophes naturelles, ouragans, cyclones, tempêtes tropicales, volcans, séismes, tremblements de terre. L’apocalypse n’est pas une fin en soi. C’est une affaire permanente. L’enfer sur terre. C’était le genre de réflexion que Weber leur inculquait quand il était encore professeur à l’Université.

Ensuite il s’arrêtait net, faisait quelques pas vers la droite, tournait sur lui-même, faisait quelques pas sur la gauche, s’arrêtait pile poil et s’esclaffait d’un rire tonitruant et sonore qu’il avait du copier en écoutant Jacques Languirand languir à la radio. Il y avait toujours une ou deux filles portant les deux mains à la bouche pour retenir un haut cri qui finissait par fuser.

De son air le plus sérieux il regagnait son bureau et semblait méditer. Moi je me disais, il gagne du temps, son éclair de génie ayant fait mouche, il attend visiblement la fin du cours. Et comme par miracle la cloche retentissait. Il se levait, personne n’osait bouger avant qu’il ne se lève, après tout on n’était pas à la petite école. Une fois levé il donnait ses directives pour le cours suivant.

Certains, surtout les filles prenaient des notes, les autres s’évaporaient comptant comme toujours sur les filles pour les devoirs à rendre. Gabriel avait Sarah qui suivait les mêmes cours que lui. Mais à la deuxième session de la première année, elle choisit de devenir vétérinaire. Allez savoir pourquoi, elle n’avait même pas de chat. Un changement en entraîne souvent un autre et Gabriel faillit s’inscrire en sexologie. Il jongla avec l’idée pendant toute une session et finalement resta en Philosophie. C’était noble, mais si on ne se dégotait pas un poste de professeur… l’avenir pourrait devenir glauque, a moins bien sur d’avoir le talent de l’écrit et la chance de publier. Et puis ni le sexe, ni la science du sexe a cette époque ne l’obsédait comme aujourd’hui.

-Gabriel tu ne pourrais pas te lever et m’apporter le savon.
Il était figé devant le meuble. La main sur la bouteille de plastique pris dans ce dédale de pensées hétéroclites. En fait, je rêvais…je lui écrivais un mot mentalement, je me le répétais, je lui disais…

- C'est biblique, Sarah, Rébecca... Esther. Tu es sûr que tu ne pas oublié.

Artémis a peint la femme comme elle est, pli, replis, bourrelets, poignées d'amour, culotte de cheval, mais avec la grâce de la Sylphide de Timothée.

Et toi, comment te sens tu. Tu accumules toujours les âmes vagues des hommes. Vulves, pénis, baises, un an, un contrat, ristourne et bakchich. Moi y compris !

Faisant partie du lot ! Et de la dote, en prime. Un pubis rouge et frisé, St Armand, des fesses rondes accotées à une fenêtre pendant qu'un faon traverse la clairière. Qu'il était doux ton sexe, qu’il était beau ce cerf de virginie. Tu as oublié, je le savais!
Il rêvait à elle et lui parlait dans son rêve. Il avait trompé Sarah

-Gabriel le savon et la grande serviette verte pendant que tu y est.

-À contre cœur, je me bouge sort de ma torpeur, je prends le savon, je le lui apporte, je le lui tends et je la regarde un instant, ses seins, son visage de profil, elle tend la main sans me regarder, j’en profite pour la détailler un peu plus. Pendant une seconde, je la trouve belle, mais je sais que cela ne durera pas plus longtemps. Je prends la porte en même temps.



-Bon, qu’est-ce que j’ai encore dit, qu’est-ce que j’ai fait ou vas-tu ? Tête de cochon, malandrin.









Je l’entends crier, glapir presque. Je n'ai plus envie d’écouter certaines femmes nous dirent comment elles sont, leurs revendications, leur père macho, parfois violeur qui disaient à leurs enfants de comprendre les frères et curés qui étaient si esseulés parce qu’ils avaient essayé de vous touché la queue. Les pères machos, C’étaient le lot de tous, garçons et filles. Un problème de société, une tare de civilisation qu’ici on a finit par appeler les enfants de D… comme si D.. lui aussi ne l’avait pas eu dans le C…Sans jeux de mots, cela ne signifie pas disque compact.

On n’a plus l’impression de vivre dans l’abondance, le rêve américain disparu! Écran plat, Ipod, MP3, il y a autre chose qui se passe, mais on ne sait pas très bien quoi ! Si j’avions su, je n’aurions pas venu ! Mais puisque je suis là, faisons avec. A mal tiempo, buen caro.

Elle continue à vociférer, mais je suis déjà trop loin, sur le trottoir d’en face. Si j’avais su ou j’allais, je lui aurais peut-être répondu. Décidément, je ne suis pas dans mon bol de thé. De toutes les façons je suis sorti, donc je sors. À gauche, rue du Manoir, cent pas, je les ai comptés, à droite rue du Centre, là je ne compte plus les pas, c’est trop long. Ensuite encore à droite rue Principale, la rue de toutes les boutiques, le vieux cimetière, l’église et tout au bout le vieux cinéma des années vingt et les nombreux petits bars. Bar à vin, bar à bière, bar à cidre et whisky bar. Par ici, on finit toujours dans un café ou dans un bar. En fin de compte je finis toujours dans un …Ah ! Lala !


Les Musées, les galeries d’art, les expositions sont bonnes pour les vieux de cinquante ans en montant. Sauf qu’à vingt ans lorsque je découvrais l’histoire de l’art avec une prof superbe, lesbienne qui avait dragué Sarah et essayé de me casser les couilles en classe, mes notes s’en étaient ressenties.





De toutes les façons impossibles de traîner longtemps dans les rues, il y a un crachin, une espèce de bruine qui annonce bourrasque et averse, fruit des ouragans tropicaux qui ravage les Caraïbes et le sud-est des États Unis et qui vient mourir ici en déversant des tonnes d’eau et des vents si puissants qu’ils déracinent les arbres. Non par un temps pareil, mieux vaut se mettre à carreaux.

Le bar de l’amitié fera l’affaire. Un vieux bar des années trente, du style rococo. On a ses habitudes que voulez-vous ! Du coq à l’âne, je passe à coco fesses des Seychelles. Dieu seul sait comment me viennent de telles comparaisons. Solo Dios.
Et de Dios, je passe à Dyonisos.

Malheureusement à cette heure-ci il n’y a personne, aucune âme qui vive sauf la vielle barmaid de jour qui a une mine si rébarbative qu’il faut déjà être fin saoul pour lui commander quelque chose. Foin, je ressors. Éloge de la fuite. Mais je fuis quoi, comment et pourquoi ? Au juste quoi ? Je me fuis moi-même, je ne peins plus, je ne peine plus, non plus. Que faire disait Lénine ! Passer la main à Staline, pardi la voilà la réponse, il n’avait pas besoin de faire tout ce tintamarre et d’écrire tout un livre. N’est-ce pas !

Maintenant que je suis dans la rue, je voudrais être à la campagne près d’un bon feu de foyer. C’est à cause de la pluie qui commence à forcir. Bientôt il cognera des clous. La campagne, je suis toujours ailleurs. En rêverie.

-Tu es un rêveur, retourne voir ton psychiatre, bipolaire, maniaco- dépressif, névrose caractérielle, drogué et alcoolique me dit Sarah.

Bon d’accord, dans ma vie j’avais fais deux séjours en psychiatrie. Mais bon ce n’était pas une raison pour me stigmatiser, culpabiliser, traumatiser.

Qu’est-ce qu’elle veut, mon ailleurs avant que j’en prenne conscience moi-même. Dépendante affective de niveau 3, dirais sa psychiatre !

Je suis un artiste moi. J’ai plus de cinq cents dessins dans mes cartons. Disons que j’ai trois périodes et trente chefs d’œuvre. Modeste, non ! Enfin, la modestie comme le bon sens sont les choses les mieux partagées du monde. A l’inverse du crédit. Un homme riche disait sans rire que la misère était contagieuse. Je me mis à rire secrètement, je venais de songer a cette histoire d’un vieil homme qui avait fait fortune dans une petite ville minière et que l’on avait invite a donner une conférence a l’Université. Il avait narré son périple dans la vie active en disant que lorsqu’il était arrive ici, il n’avait qu’un costume retaillé dans celui de son père, une paire de soulier troué et un sac de papier brun. Apres maintes tribulations il était devenu riche et célèbre. Les étudiants étaient enthousiasme et était repartis de la conférence ragaillardies et plein d’espoir dans l’avenir. Mais voila qu’un étudiant reste songeur s’approcha de lui se présenta et lui demanda sans détour ce qu’il y avait dans son sac. Hésitant, il fit une pose et répondit sans détour, $20.000.

Il me fallut arrêter de rire car les gens souriaient en me regardant rire sous la pluie qui prenait de l’ampleur.

Après plusieurs demandes de subventions pour encadrer mes croûtes et les présenter aux galeristes, j’ai lâché prise, maintenant je dessine cycliquement. Surtout du pastel. J’aime ce matériau.

Comme je ne trouvais pas de travail, j’aurais pu me recycler. A trente ans c’est jouable. Retourner à l’Université en Nouvelles Technologies, au HEC.
Mais je ne peux pas, je ne veux pas, ce n’est pas ce qui m’intéresse dans le fond, ce n’est pas la bonne chose à faire. Ma foi je suis sûrement l’artisan de mon propre malheur et désarroi.

Comme la pluie ne désarme pas et que je suis de plus en plus mouillé, je pénètre dans un Dollarama et je m’achète un petit parapluie noir qui se déploie quand même assez bien mais qui ne tiendra pas la route lors des grandes bourrasques.

Dans la rue de jeunes gens m’accoste pour me demander l’heure. J’ai presque peur ayant été surpris.

-Hé ! , Monsieur avez-vous l’heure.
-Non, malheureusement je n’ai pas de montre
-Ah ! Ah ! Ah ! Non je n’ai pas de montre Ah ! Ah ! Ah !

Ça y est, les gamins se moquent de moi, de mon accent, de mon parler, de ma
parlure dirais-je.
-Êtes-vous Français, Monsieur, Môsieu.
Je ne réponds pas, c’est trop compliqué, trop ethnique, un mot tellement galvaudé qu’on se demande qui est qui « who’s who ». De toute façon, je l’ai tellement raconté celle-là, que je me demande si c’est vrai, si cela a du sens de toutes les façons. Ethnicité, multiculturalisme, diversité ethnoculturelle, minorité visible, je n’en peux plus de toutes ces oraisons. Les lamentations de toute une société borgne, reine des aveugles. Je poursuis mon chemin sous la pluie, enfin sous mon parapluie sans me retourner pendants que les enfants ruisselants de pluie rigolent toujours...............




A suivre

vendredi, avril 27, 2007

Art Chanson






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A chaque fois que je passe rue Van Horne et que je vois le petit parc consacré
à Toto Bissainthe je pense à ToTo Bissainthe et sa chanson Nèg gin mauvé manyin. Voila qu'aujourd'hui je reçois de Sara Rénélik un article du journal le Matin qu'il faut lire à défaut d'avoir vu cette rétrospective.
Pour tout connaître de cette grande star, taper Toto Bissainthe ici même sur recherche google. Faites vous votre idée sur cette grande dame qui charme, même ceux qui n'ont pas 20 ans aujourd'hui.
Salut toto, salut l'artiste!