Un pionnier en cardiologie prénatale
Le Dr Jean-Claude Fouron reçoit trois distinctions, dont le Ian Donald Gold Medal Award
Le Dr Jean-Claude Fouron
Avant 1970, les interventions prénatales était limitées. Le Dr Jean-Claude Fouron en sait quelque chose, l’arrivée des ultrasons ayant transformé sa pratique. Engagé par le CHU Sainte-Justine il y a trois décennies, le cardiologue-pédiatre a connu les avancées technologiques des appareils à ultrasons et a fait un travail de pionnier en les appliquant à la recherche comme méthode d’investigation. «À cette époque, il n’y avait rien d’écrit là-dessus, mentionne le lauréat du Ian Donald Gold Medal Award 2006. Aujourd’hui, grâce aux interventions prénatales, on peut souvent empêcher ce qui était auparavant inéluctable.»
En 30 ans, la pédiatrie a accompli des pas de géant. Les progrès réalisés dans le domaine de l’echographie permettent maintenant de diagnostiquer chez le fœtus, dès la 16e semaine de grossesse, l’arythmie, les malformations cardiaques et l’insuffisance circulatoire, trois conditions sur lesquelles portent les recherches du Dr Fouron. «En connaissant la condition exacte du fœtus, on peut suivre l’évolution de la grossesse de plus près et planifier au besoin une prise en charge immédiate du bébé après la naissance afin d’éviter un décès par manque d’oxygène.»
Le principe de fonctionnement de l’échocardiographe est fascinant. Par une sonde posée sur le ventre de la mère, l’appareil envoie un son qui traverse les tissus et revient après avoir buté contre un objet: le bébé. Un ordinateur reconstitue le cœur du fœtus à l’écran à partir du temps que le son a mis pour aller et revenir. Sans caméra ou rayon, l’image reconstituée par logiciel informatique est miraculeusement nette. Le cardiologue-pédiatre est alors en mesure de vérifier si l’échange se fait bien entre la maman et le bébé, si les cavités du cœur sont normalement développées, si elles se contractent correctement, si les veines pulmonaires, les oreillettes, les ventricules et les gros vaisseaux (aorte et artère pulmonaire) sont bien reliés entre eux. Il évalue aussi le débit sanguin à travers les quatre valves du cœur.
Témoin et acteur de l’essor de cette science, le Dr Fouron enseigne au Département de pédiatrie en plus de diriger l’Unité de cardiologie fœtale, qu’il a fondée en 1990 au centre hospitalier universitaire mère-enfant. Trois techniciennes et une assistante y sont rattachées de façon permanente: plus de 300 cas d’arythmie cardiaque et environ 220 cas de retard de croissance intra-utérine y sont suivis annuellement.
Reconnu comme chercheur spécialisé dans le fonctionnement et les troubles du système cardiocirculatoire fœtal et néonatal, le Dr Fouron travaille depuis toujours à appliquer les percées de la cardiologie aux soins destinés aux tout-petits. Trois grands axes de recherche l’occupent: la prévention des dommages cérébraux fœtaux au cours de l’insuffisance circulatoire placentaire, du traitement de l’hypertension de grossesse sur l’hémodynamique fœtale de même que la physiopathologie et le traitement de l’arythmie fœtale.
Des prix qui font plaisir
Du nom du médecin qui effectua, en 1958, la première échographie de l’utérus, le Ian Donald Gold Medal Award, la plus haute distinction de l’International Society of Ultrasound in Obstetrics and Gynecology, honore chaque année un chercheur en médecine fœtale qui a «contribué de façon exceptionnelle à l’évolution de l’ultrasonographie prénatale». Jean-Claude Fouron reçoit cet honneur avec plaisir. «Cela me touche parce que c’est mon travail en recherche à la fois expérimentale et clinique que l’on reconnait. Vous savez, je n’aurais pas pu me contenter de faire des études en laboratoire, j’avais trop besoin du contact avec les gens.»
Récemment, son dévouement et ses travaux lui ont valu deux autres distinctions: le Distinguished Teacher Award, de la Société canadienne de cardiologie, est venu souligner son excellence en enseignement alors que le Département de pédiatrie du CHU Sainte-Justine lui a décerné une médaille pour l’ensemble de sa carrière.
On doit à ce pionnier, notamment, une avancée dans la physiologie du système cardiocirculatoire. C’est lui qui a introduit «le concept de l’isthme aortique seule communication entre les deux réseaux artériels fœtaux disposés en parallèle. Ce concept se retrouve maintenant dans tous les livres de médecine», peut-on lire sur le site Internet du centre hospitalier. Plus encore, les travaux de Jean-Claude Fouron ont permis de traiter dans l’utérus certains problèmes cardiaques du fœtus, évitant ainsi de graves complications. Les fœtus atteints d’arythmie cardiaque sont en effet maintenant aisément dépistés et traités, avant que cette affection entraine une défaillance cardiaque.
Les recherches du Dr Fouron ouvrent également des pistes prometteuses dans la prévention des dommages cérébraux par manque d’oxygène chez les fœtus de petit poids souffrant d’insuffisance circulatoire placentaire. La mise au point d’un marqueur d’hypoxie cérébrale fœtale basé sur les changements circulatoires autour de l’isthme aortique représente en effet le principal axe des recherches tant expérimentales que cliniques de l’équipe du Dr Fouron.
L’espoir est dans la recherche
Né à Cayes, en Haïti, Jean-Claude Fouron a su très jeune qu’il deviendrait pédiatre. «Tout comme mon frère Paul, aussi médecin, j’aidais mon père pendant les vacances d’été à la clinique qu’il avait mise sur pied pour la population défavorisée. C’est là que j’ai eu la piqure», confie-t-il.
Après des études à la faculté de médecine de l’Université d’Haïti, il vient au Québec en 1960 pour faire une résidence à l’hôpital Sainte-Justine. «Je pensais n’y rester qu’un an, mais ma mère a voulu que je prolonge mon séjour encore un peu, en attendant que la dictature du gouvernement Duvalier tombe. J’ai attendu.»
Il entreprend donc un postdoctorat en cardiologie pédiatrique avant de se rendre à New York, en 1965, pour étudier sous la direction du Dr A. M. Rudolph au Albert Einstein Medicine College. «C’est en travaillant avec lui que je me suis orienté vers la période pré- et périnatale en cardiologie.» Deux ans plus tard, le Dr Fouron et sa conjointe, Pierrette Bienvenue – « une très jolie infirmière que j’ai rencontrée à Sainte-Justine» –, sont de retour au Québec. Il entame sa pratique clinique à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, où il exercera pendant trois ans avant de se joindre à l’équipe de l’hôpital Sainte-Justine en 1970.
«Je ne regrette pas de m’être installé au Québec, dit le Dr Fouron. Cependant, la frustration de n’avoir jamais eu l’occasion de pratiquer en Haïti ne cesse de me hanter. Ma consolation: que mes recherches touchent d’une certaine façon tous les enfants défavorisés du monde.»
Dominique Nancy
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