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Le goût du corossol
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Comment des êtres si semblables puissent s’avérer si différents du jour au lendemain. Un couple ayant vécu une passion de haute intensité se retrouve des étrangers, l’un pour l’autre. On ne mélange pas la papaye verte et le corossol devenu mûre.
Le pinceau a la main, il ne semblait pas se décider ni sur le choix des couleurs ni sur la géométrie du tableau. Figé comme devant une page blanche. Il régnait un silence de mort dans l’appartement. Une éternité s’était écoulée. Il essuyait les pinceaux avec un bout de tissu imbibé de solvant, les mis à sécher, recula pour regarder la toile, elle était inerte.
Il ne voulait pas se l’avouer. Il désirait la quitter. Il devait lui parler à la franche marguerite, sincèrement, en quatre yeux, sans rire. En même temps il avait peur. Pour elle et pour lui-même. Après tant d’années, une dépendance affective incontestable s’était installée comme un colimaçon doucement enroulé sous sa coquille. Dire sans médire, sans faire mal. Sans cris, sans pleurs, sans grincement de dents, le parfait divorce. La voluptueuse rupture. L’amiable. Rester amis sans y croire vraiment. Faire semblant ! Ne rien faire du tout. Laisser faire, attendre, lui laisser le dernier mot, la décision de la rupture finale. Pouvoir partir sans culpabilité aucune. Ce n’était qu’une question de temps !
Il ferait un dernier portrait d’elle, à l’huile, habillée de bleu céruléen, sa robe préférée en organdi. Au nom d’un amour qui n’était plus ce qu’il avait été. Avec un bibi fleuri comme celui qu’elle portait l’été qu’ils avaient passé dans l’île, insouciants, s’aimant passionnément, à la folie, éperdument. Les yeux dans les yeux tout le temps. Ressentir tout cela dans son être sans que le cœur aucunement ne s’alarme.
Animus, anima. Ma mie, mon esprit, mon âme, amen.
Fasciné par ses seins lourds comme des corossols, ses hanches de femmes comme peintes par Artémise, son sexe nu et gonflé sous sa robe bleue. Son nombril, sa peau cuivrée, ses sourcils épais, agressifs à souhait. Assoiffés de sexe, ils le faisaient partout. Derrière les rochers à l’abri des regards indiscrets, dans l’eau qui les caressait, rythmant leurs secousses. Dans la chambre de la petite auberge, aux murs tapissés de lilas, ils essayaient tout ce qui leur traversait l’esprit, dans un lit grinçant au moindre mouvement. Ils restaient inertes, essayant de ne pas faire de bruit comme deux adolescents qui entendent la porte du garage s’ouvrir à la commande du sésame électronique et laisser le passage à la voiture des parents qui entrent dans le garage comme un chien qui entre dans sa niche.
Les flâneries au bord de l’eau oû elle ramassait des coquillages et lui qui lançait des galets qui surfaient au-dessus du reflux des vagues à marée basse. Il comptait, un, deux, trois, quatre et criait cinq, six…oh !ah ! Il levait les bras en l’air et finissait par un ouais retentissant comme s’il venait de gagner la coupe du monde. Elle riait à gorge déployée de le voir s’amuser comme un gamin, tel que son père lui avait appris étant enfant. Ah ! Qu’ils étaient loin ces galets, cela et ceux de son enfance avec son père !
Il l’aimait au passé, et cela, c’était l’imparfait au présent. Il l’aimait sans l’aimer et il savait qu’il la quitterait sans la quitter. Il perdrait une partie de lui-même. Mais ce temps d’aimer était révolu.
Elle le savait et c’est pour cela qu’elle était sous thymoanaleptique qui lui donnait des moments d’absence tel qu’on avait l’impression pendant quelques secondes qu’elle n’était plus là.
Et lui flirtant de plus en plus avec l’alcool, tellement qu’il finissait par s’y croire marier tout de bon.
Elle, Sarah savait ce que sa réserve, son attitude, ses silences cachaient. Tous ces mystères, tous ces secrets, ces non-dits, ces sous-entendus, ces dislocations abruptes de phrases, ces regards furtifs, dissimulés, tout ce qu’ils ne disaient pas ou plus. C’était ça qui l’enquiquinait. Pas la jalousie. Mais tous ces tabous impalpables. Elle le savait ! Il le savait !
Ce que lui ne savait pas c’était qu’elle se faisait une carapace et s’apprêtait à le laisser. Pas pour un autre homme, ni pour une femme mais pour être seule avec elle-même ! Lui qui tâtait de tous les chiffons, il n’en reviendrait pas qu’on le quitte pour être avec soi !
Pourtant elle l’aimait encore. Pourquoi ces sentiments et sensations ambiguës, ambivalentes, désespérantes, exténuantes. Le dicton souffle à l’oreille des femmes, qu’une femme n’est pas une femme si elle n’a pas donné la vie, naissance à un être. Ce que le dicton ne disait pas c’était ceci « Qu’est-ce qu’une femme qui a avorté à cinq mois et demi ? ».
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De bière en vin dans les cafés, j’apprivoise des sommes de rien que je justifie, croyant bien faire, en additionnant les rencontres, les vagues palabres, âmes des relations humaines, voulant faire le bilan de quelque chose qui pourrait bien être la vie d’une ombre qui cherche la lumière. La grisaille s’installe, le ciel dessus dessous tel un saule pleureur larmoie encore un peu, et moi tout autant. L’été passe mouillé et frais, trop frais.
Une lumière somme toute diaphane, distillée tel un rhum ambré et tamisé comme sous des tissus, ou une fumerie d’opium dans l’Indochine française, que certains appelaient le temps béni des colonies.
Sarah a dit ce qu’elle avait à dire, son angoisse, son insécurité, son blues et moi je multiplie les amantes au fond de leurs lits comme au creux de mon épaule pour m’apercevoir enfin, qu’il n’y a que cela pour répondre de mes actes de vie.
Je pourrais être assis en lotus dans un ashram en train de méditer et me sentir très bien ou être étendu sur une plage à Bali entrain de me faire dorer le lard, me faire bronzer gentiment sans faire de vagues, dormir à la belle étoile et regarder Jupiter et Saturne se faire de l’œil pendant que la lune est en scorpion, mais malheureusement ce n’est pas le cas, je suis ici, fauché, vrai religion de l’indigence, la misère noire.
Il ne fait pas beau, l’été n’a pas vraiment eu lieu, sûrement du à l’influence du volcan des Philippines, ou quelque autre phénomène cyclotimique du climat ou le réchauffement de la planète. La fonte des grands glaciers, le pôle nord coulant vers le sud.
2- Le goût du corrossol(A suivre le 4 Novembre 2006)
Cerner la mouvance culturelle, artistique, style de vie des citoyens au quotidien.
Art Culture Société
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vendredi, octobre 20, 2006
Art Littérature (Jancy Bolté) (eChasimbi)
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